« (…) Pour
vivre avec quoi que ce soit, pour vivre en compagnie de la laideur ou de la
beauté, il faut une très grande intensité. Lorsqu’on vit avec ces montagnes
jour après jour, si l’on n’est pas conscient de leur présence d’une façon très
vivante, si on ne les aime pas, si on n’en voit pas à chaque instant la beauté,
les couleurs changeantes, les ombres, on devient comme ces paysans qui y sont
tellement habitués qu’ils ne les voient plus. La beauté corrompt si on ne
demeure pas très vivant dans le rapport qu’on a avec elle. Il en est de même de la douleur psychique : elle
émousse l’esprit si on ne l’observe pas sans cesse avec intensité. Vivre avec
elle ne la prolonge pas, au contraire : dès qu’on la voit dans sa
totalité, elle n’est plus là. Ce que l’on voit, c’est-à-dire l’entière
structure de la douleur, son anatomie, son intériorité – non des théories à son
sujet, mais son fait réel, sa totalité -, nous quitte, cesse d’exister. La
rapidité, l’acuité de la perception, dépend de nous. Si nous n’avons pas un
esprit simple et direct, si nous sommes remplis du bruit de nos croyances, de
nos peurs, de nos espoirs et désespoirs, voulant modifier le fait, le «ce qui
est», nous prolongeons la douleur».
(Krishnamurti, Briller de sa propre lumière, Presses du Châtelet, 2013, p. 206)
1 commentaire:
Un texte d'une grande beauté parce que ces mots sont justes.
Intensité, du regard de Krishnamurti
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